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10/12/2020

L'Institute for Agriculture & Trade Policy (IATP)

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Basé dans le Minnesota, en bordure de la Corn Belt, l'Institute for Agriculture & Trade Policy (IATP) est un think tank étasunien qui promeut une agriculture familiale, au bénéfice des communautés rurales et des écosystèmes. La particularité de l'IATP tient au fait qu'il produit ses propres recherches et analyses, mais veille aussi à défendre ses positions auprès des décideurs publics, au travers d'activités de plaidoyer.

À sa création à la fin des années 1980, l'IATP travaillait essentiellement sur les questions relatives à la libéralisation des échanges de produits agricoles. Les accords de libre-échange étaient alors perçus comme l'une des principales causes des difficultés rencontrées par les agriculteurs familiaux, aux États-Unis comme ailleurs dans le monde. Si cet intérêt pour les questions commerciales est toujours présent dans les travaux de l'institut, d'autres thématiques ont émergé depuis : changement climatique, « industrialisation » de l'agriculture en général et de l'élevage en particulier, agriculture biologique, circuits alimentaires de proximité, etc.

Parmi les publications récentes de l'IATP figure un rapport sur l'empreinte carbone des principales entreprises laitières mondiales. Les auteurs montrent d'abord que celle-ci s'est accrue de 11 % entre 2015 et 2017. Ils analysent ensuite les éventuelles stratégies mises en place pour la réduire. Il en ressort que sur les 13 entreprises laitières étudiées, 6 n'ont pris aucun engagement en la matière. Par ailleurs, seulement 3 ont engagé une démarche de réduction intégrant non seulement leurs propres émissions, mais aussi celles de leur chaîne d'approvisionnement, laquelle représente 90 % de leur empreinte carbone totale.

Signalons enfin que l'IATP est membre de la National Sustainable Agriculture Coalition (NSAC), qui rassemble plusieurs organisations engagées en faveur d'une plus grande prise en compte des enjeux environnementaux dans la politique agricole étasunienne (Farm Bill). Dans ce cadre, il a participé à l'élaboration d'un document présenté au Congrès et proposant plusieurs ré-orientations : renforcement des fonds alloués aux programmes de conservation des sols, soutien à l'agriculture biologique, etc.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Lien : Institute for Agriculture & Trade Policy

12/10/2020

Quelles politiques sectorielles pour atteindre les objectifs de réduction des émissions ?

Dans un rapport récent, le Fonds monétaire international (FMI) analyse l'évolution des politiques publiques d'atténuation du changement climatique dans l'Union européenne, pour les cinq secteurs les plus contributeurs en CO2, parmi lesquels l'agriculture (10 % des émissions totales). Si ces dernières ont diminué de 20 % dans les années 1990, elles sont stables depuis 2005. Après un inventaire des principales mesures, le rapport formule des préconisations pour les niveaux européen (PAC principalement) et national (politiques fiscales).

Source : FMI

 

09:20 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : émissions, changement climatique |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/06/2020

Vers un renforcement des conflits liés à la pêche du fait du changement climatique ?

Acidification, hausse des températures, élévation du niveau des océans : les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes marins sont d'ores et déjà nombreuses. Elles devraient se renforcer à l'avenir, affectant les stocks de poissons et leur répartition à l'échelle mondiale. Dans un article publié dans la revue Marine Policy, une équipe nord-américaine s'interroge sur la possibilité que ces facteurs conduisent à une augmentation des conflits liés à la pêche. Les auteurs mettent notamment en évidence deux zones particulièrement sensibles : la mer de Chine, où la conflictualité pourrait être exacerbée par une ressource qui devrait diminuer avec le changement climatique ; la zone Arctique où, à l'inverse, les stocks de poissons devraient s'accroître et être davantage exploitables, du fait de la fonte des glaces, suscitant ainsi d'intenses convoitises et une forte concurrence.

Évolution probable (%) du potentiel maximal de captures en 2050 et localisation des conflits liés à la pêche entre 1993 et 2010

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Source : Marine Policy

Source : Marine Policy

11:21 Publié dans Climat, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : changement climatique, pêche, conflits |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/05/2020

Coronavirus : divers regards sur la crise proposés par Terra Nova

Initiée le 23 mars 2020 par le think tank Terra Nova, cette série de contributions propose des « réflexions, témoignages et questionnements suscités par la pandémie de Covid-19 et ses multiples conséquences ». Parmi la quarantaine de contributions disponibles début mai, T. Pech rappelle les liens étroits entre urgences sanitaire et écologique : le développement des infections zoonotiques est en effet, selon lui, associé au déclin de la biodiversité et à l'augmentation des interactions entre animaux sauvages et domestiques, notamment du fait de l'expansion de l'agriculture et de l'élevage. Dans son texte publié le 10 avril, L. Dablanc revient sur la logistique en temps de crise. Toujours stratégique pour les villes, cette activité est devenue plus visible et prioritaire. Des éclairages sont donnés, grâce à un « Baromètre de la logistique urbaine en confinement », sur les aspects alimentaires (e-commerce, livraisons de repas). Pour finir, mentionnons l'analyse de L. Chabason sur la gouvernance mondiale pour mieux lutter contre les pandémies zoonotiques.

Source : Terra Nova

06/05/2020

Le changement climatique favorise l'antibiorésistance en aquaculture

Les maladies en aquaculture sont un frein au développement de cette filière, qui contribue à la sécurité alimentaire de nombreux pays. Grâce à une méta-analyse conduite sur 460 articles scientifiques, une publication de Nature d'avril 2020 montre que, pour chaque pays, le niveau d'antibiorésistance en aquaculture est corrélé à celui dans la population humaine et à la vulnérabilité au changement climatique. En outre, les hausses de températures sont associées à une plus forte mortalité en élevage (fruits de mer, crustacés ou poissons).

Les auteurs estiment qu'il est urgent de limiter nationalement et internationalement l'utilisation des antibiotiques, afin de renforcer la sécurité alimentaire face au changement climatique : par exemple, interdire leur usage comme facteur de croissance, promouvoir des méthodes préventives comme l'emploi de probiotiques, etc.

Corrélation de Pearson entre un indicateur d'antibiorésistance (MAR) en aquaculture avec le MAR en médecine humaine (a), avec un indicateur de vulnérabilité au changement climatique (b) et avec les températures (c), selon les pays considérés

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Source : Nature Communications

Lecture : plus le coefficient de corrélation de Pearson est proche de 1, plus les deux variables sont corrélées linéairement. En bleu, pays à hauts revenus ; en vert, pays aux revenus moyens-supérieurs ; en rose, pays aux revenus moyens-inférieurs. Les numéros 1 à 4 désignent, dans l'ordre, le Vietnam, l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh, pays les plus exposés aux antibiorésistances et au changement climatique. La taille des points est proportionnelle à la production aquacole en kg/habitant.

Source : Nature Communications

10/04/2020

Eau et changement climatique : rapport de l'Unesco

L'Unesco a publié, en mars, un rapport rappelant que la gestion de l'eau, abordée généralement sous l'angle de l'insuffisance, est aussi un levier incontournable pour s'adapter au changement climatique et atténuer ses effets. Face à la lenteur de l'atteinte des objectifs mondiaux en matière climatique (ODD, notamment n° 2, 6, 13 et 15, Accord de Paris, Cadre de Sendai), le rapport se veut un guide d'aide à l'action concrète et présente des initiatives venant du monde entier.

En complément des enjeux liés à la gestion des ressources en eau, aux infrastructures, aux écosystèmes, aux catastrophes naturelles, à la santé humaine, à l'énergie et à l'industrie, le rapport se penche sur les questions d'alimentation et d'agriculture. Selon les auteurs, le secteur agricole doit progresser davantage vers « l'agriculture intelligente face au climat » (AIC), qui vise à maintenir la croissance de la production agricole tout en limitant le recours aux intrants et les émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, il convient selon eux d'aborder la question de l'eau à travers deux objectifs : faire évoluer les modes de production actuels pour mieux gérer les pénuries et les excès ; décarboner l'agriculture par des mesures réduisant les émissions de gaz à effet de serre et renforçant la disponibilité en eau. Entre autres, ils encouragent l'irrigation, notamment pour les régions et cultures dépendant fortement des précipitations.

Pourcentage de la superficie équipée pour l'irrigation

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Source : Unesco

Le rapport examine également plusieurs questions transversales, à commencer par la nécessité d'agir en croisant les enjeux sectoriels listés ci-dessus. Par exemple, l'agriculture de conservation permet de stocker davantage d'eau, de nutriments et de carbone dans les sols, aidant ainsi à la diversité et la richesse des écosystèmes. La diminution du gaspillage alimentaire permettrait, quant à elle, de réduire la quantité d'eau utilisée par l'agriculture (69 % des prélèvements mondiaux). Dans ce but général d'interconnexion des enjeux sectoriels, les auteurs appellent à renforcer la coopération entre communautés de l'eau et du changement climatique, à la participation du public aux politiques climatiques, et à accroître l'effort de financement global, aujourd'hui insuffisant pour atteindre les objectifs mondiaux de disponibilité de l'eau.

Réponses locales de l'agriculture intelligente liées à l'eau

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Source : Unesco

Enfin, les auteurs tracent quelques projections régionales. Pour l'Europe, ils mettent l'accent sur les risques liés à l'évolution des précipitations et sur la nécessité de surmonter certaines difficultés politiques pour gérer efficacement les bassins transfrontaliers.

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Unesco

18:29 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : unesco, eau, changement climatique |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/03/2020

Agricultures européennes à l’horizon 2050 : entre enjeux climatiques et défis de la sécurité alimentaire mondiale

INRAE a présenté, le 14 février 2020, une étude prospective sur les agricultures européennes à l'horizon 2050 (captation vidéo disponible en ligne). L'objectif était d'analyser l'évolution de l'offre et de la demande en productions agricoles, en considérant un scénario « intermédiaire » de changement climatique (RCP 6.0 du GIEC) dans 21 régions du monde, dont huit européennes (cf. carte ci-dessous pour le découpage hors Europe).

Découpage régional adopté dans l'étude, hors Europe

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Source : INRAE

Un collectif d'une vingtaine d'experts a délimité des fourchettes de variations, en 2050, de l'offre agricole, considérant des hypothèses hautes ou basses de rendements, variant entre les régions étudiées selon les conditions de température, précipitations et évolutions techniques. Ils ont aussi exprimé des fourchettes sur la demande en produits agricoles, selon des hypothèses d'évolutions tendancielles (ex. : hausse de la consommation de produits animaux en Asie) ou vers des régimes considérés comme plus sains. Dans ce deuxième cas, l'apport calorique est limité et les parts consommées de produits animaux, légumineuses, fruits et légumes, produits sucriers et huiles végétales sont fixées, elles aussi variant selon les situations régionales initiales.

Répartition des apports caloriques totaux selon les différents groupes de produits agricoles (en kcal/hab/j) en 2010 et 2050, selon les deux hypothèses d’évolution des régimes alimentaires

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Source : INRAE

Il apparaît qu'en hypothèse de rendements bas, avec une évolution tendancielle des régimes alimentaires, le besoin supplémentaire de terres cultivées serait de 223 millions d'hectares (+ 15 % par rapport à 2010). À l'opposé, en hypothèse de rendements hauts et de régimes « sains », 51 millions d’hectares de terres cultivées pourraient être libérés.

L'étude analyse plus particulièrement la place de l'Europe dans ce contexte. Dans les cas où des terres cultivées pourraient être libérées dans cette zone, le développement de cultures d'oléoprotéagineux pourrait réduire les importations européennes et ainsi préserver entre 1 et 10 millions d'hectares au Brésil et en Argentine. Pour rappel, 47 millions d'ha y étaient consacrés au soja en 2010. Une autre stratégie, en cas de libération de terres, serait d'évoluer vers des systèmes agricoles européens moins intensifs en intrants de synthèse.

Bien que des incertitudes pèsent sur les hypothèses de rendements futurs, ce travail met en évidence les disparités entre régions, tant pour les hypothèses d'évolution de l'offre et de la demande que pour les résultats en matière d'utilisation des terres. L’analyse révèle des évolutions contrastées entre zones à forte tension sur les surfaces (particulièrement en Afrique subsaharienne, mais aussi en Afrique du Nord, au Proche et Moyen-Orient ou encore en Inde) et zones à surplus potentiel de terres (ex-URSS et certaines régions d'Europe).

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : INRAE

16/03/2020

De nouvelles opportunités pour l'extension de l'agriculture vers le Nord, mais à quel prix pour l'environnement ?

D'après un récent article publié dans PLOS One par une équipe de chercheurs anglo-saxons, le changement climatique pourrait lever les contraintes bioclimatiques à la production de grandes cultures, dans les régions les plus septentrionales jusqu'ici peu favorables. Les auteurs ont simulé l'impact potentiel, après 2050, de cette extension des aires de production sur l'environnement.

Dans un premier temps, ils ont identifié les « frontières agricoles », définies comme les zones actuellement inadaptées aux grandes cultures, mais susceptibles de le devenir en raison du changement climatique. Pour ce faire, ils ont considéré des hypothèses portant sur les températures et les précipitations, tirées de 17 modèles climatiques globaux, pour deux niveaux de forçage radiatif (RCP 4.5 et RCP 8.5 du GIEC). Ces hypothèses ont ensuite été utilisées à l'échelle locale, dans trois modèles agronomiques différents dont les auteurs ont croisé les résultats. L'opération a été conduite sur l'ensemble des terres du globe. Il apparaît que le changement climatique pourrait accroître les surfaces actuellement cultivables, de 0,8 à 2,4 milliards d'hectares en 2060-2080. Les nouvelles aires de production, situées principalement au nord du Canada et de la Russie, seraient dans un premier temps (2040-2060) adaptées à la culture de la pomme de terre, du blé, du maïs et du soja.

Extension des zones de production possibles en grandes cultures en 2040-2060

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Source : PLOS One

Lecture : en bleu, les aires dans lesquelles on passe de 0 à au moins une culture possible ; en rouge, celles passant d'une culture possible à deux ou plus (zone d'intensification) ; en gris, celles pour lesquelles la situation reste inchangée. L'intensité de la couleur (bleue ou rouge) varie selon le scénario climatique, dans le cadre d'un forçage radiatif RCP 8.5.

Les auteurs ont ensuite évalué les impacts d'une mise en production sur la biodiversité, la qualité de l'eau et le carbone stocké dans les sols. Si toutes les zones potentielles étaient cultivées, le travail des sols conduirait à relâcher dans l'atmosphère, dans les cinq années suivant la mise en culture, un maximum de 177 Gt de carbone (soit 119 fois les émissions annuelles actuelles des États-Unis). D'importants hotspots de biodiversité seraient également touchés, dans les régions nordiques et dans les zones de montagne (Himalaya, Andes notamment). Enfin, les effets de l'agriculture sur la qualité de l'eau pourraient affecter beaucoup d'habitants de ces régions.

En conclusion, ils invitent à ce que les initiatives menées pour étendre les aires de production, par exemple au Canada ou en Russie, tiennent compte des risques environnementaux encourus. Ils notent d'ailleurs que beaucoup de ces terres, jusqu'ici non cultivées, se situent sur les territoires de peuples autochtones, qui devraient être associés à leur exploitation.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : PLOS One

21/01/2020

Un chiffrage des conséquences du changement climatique sur la rentabilité des exploitations australiennes

Alors que l'Australie connaît depuis plusieurs mois une sécheresse importante à l'origine d'incendies gigantesques, l'Australian Bureau of Agricultural and Resource Economics and Sciences (ABARES), un organisme de recherche interne au ministère en charge de l'agriculture, a récemment publié les résultats d'une étude visant à apprécier les conséquences du changement climatique sur la profitabilité des exploitations du pays.

L'étude s'appuie sur un modèle économétrique permettant d'estimer leur performance technique et économique à partir de variables relatives à leur structure, au contexte de prix et au climat. Ce modèle a permis aux auteurs de simuler ce qu'aurait été la situation économique des agriculteurs australiens si les conditions climatiques des années 2000 à 2019 avaient été comparables à celles que le pays a connues de 1950 à 2000.

Les résultats de la modélisation montrent que, toutes choses égales par ailleurs, les évolutions du climat en Australie depuis les années 2000 ont induit une diminution de 22 %, en moyenne, du « profit » des exploitations du pays, considéré ici comme le revenu net d'entreprise une fois prises en compte la rémunération du travail familial et la variation de la valeur des stocks. Cette moyenne masque d'importantes disparités selon les productions, les agriculteurs en grandes cultures étant plus impactés que les éleveurs de bétail : -35 % pour les céréaliculteurs, contre -18 % pour les éleveurs ovins et -5 % pour les producteurs de viande bovine. De même, les États de l'Ouest du pays (Western Australia) et surtout de l'Est (New South Wales, Victoria), davantage concernés par les sécheresses récentes et comportant une proportion élevée d'exploitations céréalières, sont sensiblement plus touchés que les autres. La modélisation montre également que les stratégies mises en place par les agriculteurs en réponse à ces conditions climatiques nouvelles, telles que le non-labour, ont permis d'en atténuer les conséquences : en leur absence, la diminution du profit aurait été de 26 % en moyenne et de 49 % pour les céréaliculteurs.

Effet des conditions climatiques sur le profit des exploitations australiennes

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Source : ABARES

En conclusion, les auteurs appellent les pouvoirs publics à renforcer leur soutien aux agriculteurs, en cherchant non pas à les protéger des conséquences du changement climatique, mais à les aider à renforcer leur résilience face à ce phénomène. Les formes concrètes que pourrait prendre ce soutien ne sont toutefois pas explicitées dans l'étude.

Mickaël Hugonnet, Centre d’études et de prospective

Source : ABARES

12/12/2019

Vulnérabilité de l'agriculture et des pêcheries marines face au changement climatique

La revue Sciences advances a présenté, fin novembre, une étude consacrée à la vulnérabilité des systèmes de production alimentaire de différents pays du monde face aux effets du changement climatique. Le travail se focalise sur l'agriculture (hors élevage) et les pêcheries marines, dans respectivement 240 et 194 pays ou régions. Deux scénarios à horizon 2100 sont étudiés : un scénario « business as usual » ne supposant pas de réduction particulière des émissions de gaz à effet de serre ; un scénario de limitation forte conforme aux objectifs de l'Accord de Paris.

L'étude révèle que le changement climatique peut avoir des effets « gagnant-gagnant », « gagnant-perdant » et « perdant-perdant » pour l'agriculture et la pêche. Les régions tropicales seraient les plus exposées aux situations « perdant-perdant », sachant qu'elles sont également les plus vulnérables vis-à-vis de l'emploi, de la sécurité alimentaire et du revenu, et avec une moindre capacité d'adaptation. Les pays situés à une plus haute latitude, quant à eux, feraient face à des impacts plus faibles, voire à des situations gagnant-gagnant (Canada, Russie). Ainsi, le scénario business as usual exposerait 90 % de la population mondiale à des situations perdant-perdant et moins de 3 % à des situations gagnant-gagnant. Le scénario « Accord de Paris », en revanche, se traduirait par une exposition plus réduite de la population (60 %) à des situations perdant-perdant et plus de personnes (jusqu'à 5 %) se trouveraient dans des situations gagnant-gagnant. De plus, les effets « perdant » seraient de moindre amplitude que dans le scénario business as usual.

Écart de productivité de l'agriculture (A) et des pêcheries marines (B) à horizon 2100 sous le scénario « business as usual »

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Source : Science advances

Les auteurs en concluent que les stratégies pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre – à supposer qu'elles soient d'ampleur mondiale et maintenues dans le temps –, réduiraient massivement la vulnérabilité humaine aux impacts sur l'agriculture et les pêcheries marines. Et cela y compris dans les pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Les auteurs invitent à envisager des stratégies d'adaptation intersectorielles dans les pays faisant face à des situations gagnant-perdant, par exemple pour réduire la production agricole au bénéfice de la pêcherie marine, ou inversement. Des pistes de recherche complémentaires sont évoquées, notamment le développement de l'aquaculture, pour les États qui disposent d'infrastructures adaptées.

Amplitude des changements de la productivité agricole et des pêcheries marines (intérieur des anneaux A et B), et proportion de la population mondiale affectée (extérieur des anneaux A et B), selon deux scénarios d'émissions de CO2 (RCP8.5 et RCP2.5)

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Source : Science advances

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Science advances

08/11/2019

Raréfaction de l'eau et changement climatique : quelles proportions de surfaces en blé seraient impactées ?

Dans Science Advances est paru, fin septembre, un article étudiant la hausse potentielle des surfaces en blé soumises au manque d'eau, en raison du changement climatique. En moyenne, sur la longue période entre 1911 et 2016, environ 4,5 % des surfaces en blé auraient souffert, chaque année, d'un déficit hydrique (maximum en 2010 et 2012 avec - 15 %). Selon l'hypothèse d'émissions de gaz à effet de serre la plus pessimiste (scénario RCP 8.5 du GIEC), 60 % des surfaces actuelles pourraient subir un épisode de sécheresse sur une période de 3 ans d'ici la fin du siècle. Les dix principaux exportateurs, dont l'Europe, seraient significativement plus touchés que les autres, avec un défi pour la sécurité alimentaire si ces zones étaient atteintes simultanément. Même en supposant que l'objectif des accords de Paris soit tenu (hausse limitée à 1,5 °C), les surfaces concernées par un déficit hydrique devraient doubler d'ici 2070 par rapport à la situation actuelle.

Le prix du blé étant corrélé au manque d'eau (diminution de la production), les auteurs pensent que des politiques de stockage et commerciales sont essentielles pour stabiliser les marchés. De plus, plusieurs méthodes d'adaptation pourraient être envisagées, comme décaler les calendriers de culture pour éviter les périodes à risque. Cependant, pour l'exposition des surfaces au risque de sécheresse, cette option serait moins efficace que de limiter l'augmentation de la température à 1,5 °C.

Surfaces en blé, en pourcentage, qui pourraient être touchées par la raréfaction de l'eau en fonction de différents scénarios d'émissions de gaz à effet de serre et à plusieurs horizons temporels

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Source : Science Advances

Lecture : RCP, pour « Representative Concentration Pathway », désigne des scénarios de forçage radiatifs, représentant différents niveaux d'émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, RCP 8.5 correspond à + 8,5 W/m².

Source : Science Advances

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18/09/2019

Un rapport spécial du GIEC souligne le lien entre changement climatique, dégradation des terres et systèmes alimentaires

Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié, en août, un rapport spécial sur les liens entre changement climatique, désertification, dégradation des terres, gestion durable de celles-ci, sécurité alimentaire et émissions de gaz à effet de serre (GES). Il rappelle que les terres contribuent de manière primordiale aux modes de vie et au bien-être en fournissant de la nourriture, de l'eau, des services écosystémiques et en abritant de la biodiversité. D'après les données disponibles depuis 1961, la croissance de la population mondiale et l'augmentation de la consommation d'aliments, de fibres, de bois et d'énergie ont conduit à des taux d'utilisation des terres jamais atteints, provoquant leur dégradation, de la désertification, une augmentation des émissions de GES et des pertes d'habitats naturels et de biodiversité. De plus, le changement climatique exacerbe ces effets, menaçant davantage la santé des humains et des écosystèmes, avec de fortes variations régionales.

Le rapport passe également en revue et évalue trois catégories de solutions pour lutter contre ces dégradations, basées sur l'utilisation des terres, les systèmes alimentaires (ex. évolutions des régimes, réduction des pertes) et la gestion des risques. Nous n'aborderons ici que la première catégorie, qui inclut notamment la gestion durable des terres et des forêts, celle du carbone organique des sols, la conservation et la restauration des écosystèmes, la réduction de la déforestation. Leur mise en œuvre dépend du contexte, notamment des capacités d'adaptation locales, et leurs impacts varient dans le temps, selon qu'ils sont immédiats ou à l'horizon de plusieurs décennies. La plupart des options évaluées (figure ci-dessous) contribue positivement au développement durable. Néanmoins, certaines (afforestation, reforestation, bioénergies) peuvent augmenter le risque de conversion des terres, avec des conséquences négatives en matière de sécurité alimentaire. Ces effets contre-productifs peuvent toutefois être réduits si seulement une part des terres est allouée à ces trois dernières options.

Contributions potentielles des options basées sur l'utilisation des terres pour atténuer et s'adapter au changement climatique, réduire la désertification et la dégradation des terres et améliorer la sécurité alimentaire

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Source : GIEC

Lecture : l'ampleur des contributions est représentée en couleur. Les contributions bleues sont positives, tandis que les rouges sont négatives. Les plus foncées sont les plus importantes. Les contributions représentées en blanc sont négligeables. Les lettres indiquent le niveau de confiance vis-à-vis du résultat : H = niveau de confiance élevé, M = moyen, L = faible. Le nombre de points représente le coût de mise en œuvre de la mesure : ●●● = coût élevé, ●● = coût moyen, ● = coût faible.

Enfin, les auteurs suggèrent la mise en place de politiques publiques adaptées (figure ci-dessous) : zonage géographique et planification spatiale de l'utilisation des terres, gestion intégrée des paysages, incitations (dont paiements pour services environnementaux), etc. La consolidation des droits de propriété sur le foncier, l'accès aux financements et le conseil paraissent également indispensables dans de nombreux pays.

Instruments et politiques publiques permettant d'atteindre divers objectifs : sécurité alimentaire, désertification et dégradation des terres, gestion durable du foncier, adaptation aux phénomènes climatiques extrêmes, atténuation des flux de GES dus au changement climatique

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Source : GIEC

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : GIEC

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17/06/2019

Et si la lutte contre le changement climatique devenait la priorité de la PAC ? Une simulation avec le modèle CAPRI

Une équipe du Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne a publié fin mai 2019, dans le Journal of Agricultural Economics, un article présentant un exercice de modélisation d'une Politique agricole commune (PAC) prioritairement tournée vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur agricole. La simulation a été réalisée avec CAPRI, un modèle global d'équilibre partiel agricole, régionalisé à l'échelle NUTS-2, et régulièrement utilisé par le CCR pour évaluer ex ante les changements de politiques agricoles, environnementales et commerciales (fin des quotas laitiers, accords commerciaux, etc.).

Dans le scénario simulé par les chercheurs, les aides découplées du premier pilier de la PAC sont entièrement supprimées, le budget ainsi libéré servant en totalité à financer une subvention à la réduction des GES, en euros par tonne équivalent CO2 d'émissions évitées par rapport à la situation de référence sans réforme. Ce changement de politique est effectué à budget constant au niveau de chaque région, puis, dans une variante de la simulation, au niveau de l'Union européenne (UE), ce qui autorise des transferts d'aides entre régions. Les autres aides de la PAC sont, en revanche, conservées : aides couplées pour les secteurs en difficulté économique, pour les zones défavorisées, etc. Les GES considérés sont le méthane (CH4) et le protoxyde d'azote (N2O), et le modèle simule trois voies de réduction : baisse de la production agricole, changement du mix productif (réduction de l'élevage bovin, augmentation des prairies extensives, etc.) et adoption de technologies d'atténuation (utilisation d'inhibiteurs de nitrification, méthanisation, etc.).

Changement relatif des émissions de GES (hors CO2) agricoles par rapport à la situation de référence (en %)

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Source : Journal of Agricultural Economics

Dans un tel scénario, les GES d'origine agricole de l'UE (hors CO2) baissent de 21 %, avec des contrastes régionaux importants (carte ci-dessus) et des subventions unitaires allant de 51 à 746 €/tCO2éq selon les zones (197 € en valeur médiane). Cette baisse d'émissions est due, aux deux tiers, à une réduction de la production et une évolution du mix productif, le tiers restant étant imputable à l'adoption de technologies d'atténuation. La hausse des prix liée à la contraction de l'offre conduit à une augmentation du revenu des agriculteurs (+ 5,8 % au niveau de l'UE) et à une dégradation de la balance commerciale (tableau ci-dessous), mais aussi à des co-bénéfices environnementaux (ex. : réduction des surplus d'azote). Le taux de fuites de carbone reste limité (20 %), en raison notamment de la protection aux frontières de l'UE pour les produits importés.

Variations de l'offre agricole, des prix aux producteurs, de la consommation et des flux commerciaux pour l'UE-28 (en relatif ou en absolu par rapport à la situation de référence)

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Source : Journal of Agricultural Economics

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural Economics

10:03 Publié dans 4. Politiques publiques, Climat, PAC | Lien permanent | Tags : pac, changement climatique, capri, modélisation, jrc |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/04/2019

Neutralité carbone pour l'agriculture européenne en 2050 : comment y parvenir ?

L'Institut pour une politique européenne de l'environnement (IEEP) a publié, en février 2019, un rapport sur les pistes pour parvenir à la neutralité carbone de l'agriculture en 2050. Ce travail s'inscrit dans le cadre d'une réflexion plus large lancée par la Fondation européenne pour le climat (ECF) sur les trajectoires pouvant mener à une Europe décarbonée à cet horizon temporel, et dans le contexte de l'Accord de Paris. Dans l'Union européenne, l'agriculture produisait en 2016 10 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES), avec de très fortes variations nationales (de 3 à 33 %).

Les auteurs dressent d'abord le bilan d'une quinzaine d'exercices de prospective récents, menés à l'échelle européenne ou nationale, sur l'évolution du secteur agricole à l'horizon 2030 ou 2050, en comparant les trajectoires de décarbonation anticipées. Deux constats s'imposent : i) il n'y a pas de consensus sur les leviers les plus efficaces de réduction des GES, ni sur l'ampleur de ces réductions, ii) aucun des scénarios n'atteint une neutralité carbone à 2050. Les auteurs estiment l'écart à l'objectif de neutralité entre 323 à 565 MtCO2eq.

Comparaison des études prospectives et de leurs scénarios les plus ambitieux, pour le secteur agricole, en termes de réduction d'émissions de GES, aux horizons 2030 et 2050

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Source : IEEP

Les auteurs considèrent ensuite quatre scénarios plus ambitieux (CTI 2050 roadmap tool, figure ci-dessous), via un élargissement du périmètre de comptabilisation des émissions de GES aux stocks de carbone des sols et de la biomasse, actuellement hors inventaire CCNUCC pour l'agriculture. Ils prennent aussi en compte l'optimisation de trois facteurs de réduction : gains d'efficacité au niveau de la production, changement du mix agricole, stockage du carbone dans les sols agricoles. Les deux premiers scénarios reposent uniquement sur des mesures d'efficacité (scénario 1) et de changements de production (2), le troisième combine les deux approches (3). Tous les trois permettent de réduire la surface arable nécessaire à la production agricole, alors utilisée en prairie permanente. Le quatrième scenario est similaire au troisième, le surplus de terres arables étant converti en forêt.

Potentiel schématique de réduction des GES pour le secteur agricole à horizon 2050, selon les quatre scénarios (CTI 2050 roadmap tool)

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Source : IEEP

Selon les auteurs, sous l'hypothèse de la permanence des capacités de stockage, ce n'est qu'en procédant à un changement massif d'usage des sols agricoles vers la forêt et les prairies permanentes qu'il sera possible d'approcher la neutralité carbone. Toutefois, même dans le scénario 4, il restera 90 MtCO2eq/an à compenser. Enfin, le rapport reconnaît que la neutralité carbone peut se retrouver en concurrence avec d'autres objectifs environnementaux (ex. : biodiversité) ou socio-économiques.

Claire Bernard-Mongin, Centre d'études et de prospective

Source : IEEP

10:32 Publié dans 1. Prospective, Climat | Lien permanent | Tags : changement climatique, neutralité carbone, 2050, ieep |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/04/2019

Le secteur vitivinicole face au changement climatique : impacts et stratégies en Europe méditerranéenne

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Un rapport du groupe coopératif espagnol Cajamar, mis en ligne en mars 2019, regroupe un ensemble de contributions sur l'impact du changement climatique et les stratégies d'adaptation dans le domaine de la vitiviniculture, avec un focus sur les pays de l'Europe méditerranéenne. Il résulte d'une coopération entre l'Universidad Internacional Menéndez Pelayo (Valencia) et Cajamar, chargé de la publication.

La première partie du document examine des stratégies d'adaptation, et d’atténuation de l'impact du changement climatique en Espagne, au Portugal, en France et en Italie, dans le contexte d'une nouvelle géographie mondiale du vin. L'aspect institutionnel est illustré par l'analyse des résolutions de l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) sur, par exemple, l'utilisation durable de l’eau, le bilan des gaz à effet de serre du secteur, etc.

La deuxième partie s'intéresse aux pratiques d'adaptation tout au long de la chaîne de valeur : techniques d'irrigation, prévention des maladies, gestion de la maturation phénolique du raisin (dont la phénologie et la saccharimétrie sont affectées par le changement climatique), économies d'énergie, etc. Plusieurs chapitres sont ainsi consacrés à la gestion intégrée de la vigne : « irrigation déficitaire », couverture du sol, orientation des espaliers, interactions entre environnement et pathogènes du bois de la vigne, etc. La gestion des caves est, quant à elle, traitée dans un texte consacré à la certification espagnole WfCP (Wineries for Climate Protection), ainsi qu'au projet communautaire PEFCR Wine UE portant sur la durabilité environnementale du secteur vitivinicole.

Nous retiendrons aussi la contribution du Ministerio de agricultura, pesca y alimentación, portant sur les politiques publiques d'appui au secteur en matière d'adaptation : aides à la restructuration et reconversion des vignobles, soutiens à l’investissement, lesquels font partie du Programa de Apoyo al Sector del Vino.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Grupo Cooperativo Cajamar

10:31 Publié dans Climat | Lien permanent | Tags : vin, vitiviniculture, adaptation, changement climatique, cajamar, méditerranée |  Imprimer | | | | |  Facebook